Nigéria : Les files d’attente devant les stations à essence de retour à Lagos
Bien que producteur de pétrole de poids en Afrique, le Nigéria dépend des importations d’essence pour ses véhicules et une part non négligeable de son énergie. Le gouvernement subventionne à coup de milliards de dollar et souhaite geler les prix, mais le marché résiste à cette logique, selon l’Agence Ecofin
Les files d’attente sont de retour devant les stations à essence de Lagos, la capitale économique du Nigéria. Les consommateurs sont paniqués par les divergences qui opposent l’association des marketeurs vendeurs de produits pétroliers et le gouvernement du Nigéria, sur le prix de l’essence. Selon Akin Akinrinade, le principal dirigeant de cette organisation, la décision des autorités de geler les prix de l’essence de base à 165 nairas le litre ne colle pas avec la réalité du marché qui exige que cela soit vendu au minimum 180 nairas le litre.
« Nous ne sommes pas en grève, nous ne pouvons simplement plus continuer les affaires avec ce niveau de prix », a-t-il fait savoir. Les marketeurs d’essence s’approvisionnaient jusque-là auprès de l’institution nationale de dépôts des produits pétroliers. Leur association affirme qu’ils ont dépensé 1 milliard de nairas (2,4 millions $) pour avoir du carburant, mais ne sont pas encore livrés.
Pour continuer de mener leurs opérations, ils ont eu recours aux gestionnaires des dépôts privés. Ces derniers qui avaient perdu du terrain avec le relèvement des prix à la pompe, en ont profité pour augmenter leurs prix, qui vont de 148 à 162 nairas le litre. Selon Akinrinade, s’il faut ajouter les charges de transports, de salaires et de fonctionnement des stations, il faudrait vendre au minimum à 180 pour générer de la marge.
Le gouvernement du Nigéria semble avoir très peu de marge de manœuvre. Le pays est le deuxième (depuis quelques jours seulement) producteur de pétrole en Afrique, mais dépend de l’essence importée pour ses besoins de mobilité et même de production énergétique. Pendant des années les autorités ont pratiqué la subvention systématique, mais elle avait un double effet pervers.
En raison des prix bas de l’essence, de nombreuses personnes achetaient des stocks d’essence et le gardaient dans des dépôts privés, pour se livrer à la spéculation, ou le vendre dans les pays voisins (Benin, Cameroun, Niger), où les prix sont plus élevés, sur le marché parallèle. Aussi des études, notamment de la Banque Mondiale, ont montré que cette subvention profite davantage à ceux qui ont de l’argent et peuvent s’offrir de grands groupes électrogènes et de grosses voitures qui consomment beaucoup d’essence.
Beaucoup de Nigérians ignorent ainsi que pour 2022, 4000 milliards de Nairas (9,6 milliards $) seront dépensés dans le budget de l’Etat, pour subventionner le carburant à la pompe, selon le journal The Premium Times. Des experts du FMI et de la Banque Mondiale estiment que cette ressource pourrait être utilisée différemment. C’est sûrement en tenant compte de cet arbitrage difficile que le gouvernement du Nigéria impose un niveau de prix à ne pas dépasser.