Thursday, Dec 26, 2024
HomeActualités NationalesInterview avec Dr Pape Mamadou TOURE, Docteur en régulation pétrolière internationale et Expert maritime agréé sur les enjeux de la transition énergétique.

Interview avec Dr Pape Mamadou TOURE, Docteur en régulation pétrolière internationale et Expert maritime agréé sur les enjeux de la transition énergétique.

Partager cet article

1. L’annonce  par  certaines  grandes  puissances  de  l’arrêt  des  financements  d’énergies  fossiles  peut-elle avoir  des  conséquences  sur  les  projets  pétroliers  et  gaziers  du Sénégal ? 

La  question est  complexe  et  globale. Elle s’apprécie  à l’aune   de  divers  paramètres de  rationalisation de  l’organisation   industrielle, du constat de l’atteinte du pic  de la  production de combustibles  fossiles dont celui  du pétrole  conventionnel en 2008,  ne  permettant  plus  de  retrouver  un approvisionnement pétrolier structurellement croissant pour  les  transports  et usines dans  le  monde. A  cela s’ajoute une  explosion démographique mondiale portant en 2021, la  population mondiale  à 7,8  milliards d’êtres  humains qu’il faut nourrir, loger, faire  travailler et dont le  niveau de  vie des populations  de  l’hémisphère sud, est appelé  à poursuivre  sa  croissance, tout  en maintenant  le  standard de vie élevé des  citoyens des pays du nord.

Le  challenge  est  complexe et difficile  à atteindre tant  le  pétrole  est  l’énergie fétiche de la société  industrielle, devenue une véritable addiction,  engendrant la  peur  du déclassement  social en Occident, ce qui conduit à des révoltes sociales et à la montée du repli national identitaire.

Entre les  annonces « politiquement  correctes » des grand-messes des COP (Conference  of  the  Parties), conférences internationales sur le climat, réunissant chaque année, les pays signataires de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) et les visions économiquement réalistes des stratégies  industrielles  et  financières mondiales, de la  division internationale  du travail, de la compétition mondiale, se distribuent des  intérêts  nationaux, internationaux, publics  et  privés, à la fois différenciés  et  combinés, à la  recherche  d’un  laborieux  compromis  économique.        

L’économie  mondiale  est  ainsi confrontée  à une  nouvelle  réalité complexe de  marketing  financier liée au  phénomène  de « l’éco-blanchissement » du financement de l’activité  industrielle, dénommé  Finance  Green Washing. On parle aussi de Finance  verte,  de Grening Finance,  pour  les projets d’énergie  renouvelable, de conservation forestière pour  le développement de puits naturel de captation de  carbone ou de  CO2 (forêts, océans, sols).   

Il s’agit ainsi d’introduire une  dimension environnementale et climatique, voire éthique dans  les  critères de  classement  de  la  performance globale des  projets  industriels à côté  des  critères  traditionnels  de  performance  financière que  prennent  en compte  les  organismes  financeurs. L’objectif  des  grandes  banques  internationales est de faire  la   démonstration opérationnelle de  leurs  engagements aux côtés  de  la  communauté  internationale pour  assurer une  lutte  contre le  changement climatique. Le  dernier  rapport  du GIEC[1]du 9 Aout 2021 faisant un constat alarmant, parle de conséquences “irréversibles pour des siècles ou des millénaires“. 

L’objectif commun est de  contribuer à une  stabilisation de  l’augmentation des  températures à la surface du globe  à moins de  2 degrés d’ici  2100, voire d’aller vers l’objectif de 1,5 degrés par rapport à l’ère pré-industrielle, grâce à la  réduction dans  l’atmosphère, des stocks de dioxine de  carbone  ( CO2) et de méthane.  Ceux-ci sont à l’origine  du phénomène  des  gaz  à effet  de serre, source du réchauffement climatique, entrainant des évènements  météorologiques extrêmes tels que  des tempêtes, des incendies et des inondations de plus en plus dévastateurs.

 Ce volontarisme  se  traduit  au plan politique  par  certaine annonces publiques à propos de la  fin des soutiens publics aux  énergies fossiles. On peut  citer  à ce  sujet :

  • la  décision du 14/11/2019 de la Banque européenne d’investissement (BEI) de cesser  dès  2022, le  financement  de nouveaux projets liés aux énergies fossiles dont le gaz.
  • le  rapport  du 12 octobre 2020 du Gouvernement  français au Parlement,  sur la   programmation  du désengagement  du soutien public des énergies  fossiles :
    •  en 2022,  pour  les pétroles extra-lourds, sables et schistes bitumineux,
    • en 2025,  pour  les activités d’exploration et d’exploitation de nouveaux gisements pétroliers,
    • dans quinze ans,  pour  les activités des nouveaux gisements gaziers.
  • l’annonce  du 11/12/2020, du Premier  Ministre Britannique, Boris Johnson de faire cesser « dès  que  possible », le soutien  financier des projets à l’étranger d’énergies fossiles, émettrices de CO2.
  • le lancement  en 2016, en  Suède du plan Energy Agreement, dont  l’objectif  est de faire  de  ce pays, la première  économie  « dé-carbonnée »,  « économie à zéro émission nette de carbone » à l’horizon 2045,qui s’appuierait  sur  les énergies   nucléaire,  biomasse et   géothermie. Ce  plan est  dans  la  continuité de la  politique  énergétique  suédoise des  années 1970,  ayant  permis  à ce  pays d’être  au premier  rang international, au regard  de son faible  taux d’énergies fossiles dans la  consommation d’énergie primaire (près de 27% en 2017),  ce qui représente le taux le plus  bas,  parmi les pays membres de l’AIE (Agence  Internationale  de  l’Energie).     

Si ces  initiatives publiques  sont  volontaristes, elles  restent  néanmoins marginales au plan mondial et n’engagent pas les autres grandes puissances industrielles de l’OCDE (notamment les pays  à fort  potentiel minier et/ou industrialisés que  sont  les Etats  Unis, l’Allemagne, le  Japon, le Canada, l’Australie) et encore  moins les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique  du Sud) qui n’entendent  pas  sacrifier  leur  développement  industriel.     

Par  ailleurs, l’impact  financier  de  ces  mesures publiques  est  limité  car  d’une part, elle visent  principalement  les  subventions des  hydrocarbures, plus précisément  la fin des aides à l’exportation pour les projets d’exploration et de production d’énergies fossiles  et  d’autre part,  le  financement  privé bancaire reste  le  mode  principal d’allocation de  ressources financières aux  projets de développement et  d’exploitation des activités extractives  terrestre et  maritime.

En effet  le  rapport « Banking  on climate  change » de 2020 établit  que  sur  la  période  2016 à 2019, la  banques  internationales ont  accordé  aux  énergies  fossiles, 2700 MILLIARDS[3]  de  Dollars.  Quant à l’agence Bloomberg[4], elle  indique  que depuis  l’Accord  de  Paris  sur  le  climat de  2015, près  de  4000 Milliards  de  Dollars  ont  été  investis  dans  le  secteur de l’industrie des  combustibles fossiles[5].

Cependant dans le même  temps, les banques  internationales, financent  de  plus  en plus  des  Green Projects et cela fait écho à la  nomination en 2018 de  Michael Bloomberg  par  le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres,  pour lancer une initiative de mobilisation mondiale de capitaux privés,  pour  l’atteinte d’un objectif annuel de collecte de  100  Milliards de  Dollars, afin de faire face aux défis du changement climatique.

On peut  donc  considérer  que  la  stratégie  des  banques internationales s’oriente davantage  vers  l’équilibre  des  portefeuilles des   industries des énergies  fossiles  et des  green portfolios car  il est peu réaliste  de  voir  ces  banques,  cesser  dans  les  pays de production  extractive, les financements  des industries du pétrole, du gaz et du charbon. On peut  ainsi à titre  d’illustration, citer l’objectif  de la  grande banque  américaine J PMorgan  de  parvenir  avant  la  fin de la décennie  2020, à une réduction de 35% de l’intensité carbone opérationnelle de son portefeuille de pétrole et de gaz, c’est-à-dire une simple réduction et  non une  suppression de  l’empreinte  environnementale  des  projets d’énergie  fossile qu’elle  finance. Cependant, peut-on  indiquer que le  développement  aux Etats  Unis des pétrole et gaz  de  schiste a  paradoxalement entrainé une  réduction du volume des émissions CO2 du fait  de  la réduction de la part  du charbon dans  la production d’électricité américaine.         

Toutefois, considérons d’une  façon générale, que cette  stratégie de  poursuite du financement des  industries  extractives et utilisatrices de  combustibles fossiles, aura d’autant  plus  de mal à être  inversée, que le charbon est  aux  Etats  Unis, en Chine, en Allemagne, un combustible  stratégique pour  le  secteur  manufacturier. La  neutralité carbone en 2050 découlant  de  l’équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption de celui de l’atmosphère par les puits de carbone,  est ainsi loin d’être  un objectif  opérationnellement aligné dans  tous  les  pays.

Au-delà de ce  volontarisme financier sur les  green projects, le  problème  fondamental découle de ce  que  l’énergie  pétrolière ainsi que les  innombrables applications de la pétrochimie  sont   irremplaçables à l’échelle  mondiale, pour les  trente à cinquante   prochaines années. L’énergie  fossile est en effet une  énergie  fondamentale  pour  les transports, et les secteurs miniers, manufacturiers. Les technologies  des  énergies  renouvelables  liées aux  éoliennes, aux installations photovoltaïques, ne  peuvent pas encore remplacer  les centrales  thermiques  à combustibles fossiles,  en raison de  leurs  faiblesses physiques en tant que système  de  régulation de l’énergie renouvelable,  qui par sa nature, est une  énergie diffuse, nécessitant  une  infrastructure  de  stockage, couteuse  en matériaux miniers, indispensables pour créer un système  énergétique  complet et  pilotable, c’est-à-dire un système  assurant  l’instantanéité  de  la disponibilité  électrique, indépendamment de la  vitesse  des  vents  et  de  l’ensoleillement.      

Quant  à l’accès universel à l’énergie  nucléaire, cette  stratégie  énergétique n’est tout  simplement pas  envisageable.  Cette énergie issue  de  la  fission nucléaire  reste  limitée  à quelques  grands  pays  industriels, quand  bien même que cette  source  d’énergie ne contribue  pas  à l’émission de  CO2.  Les  réticences  et appréhensions  des  opinions  publiques  nationales du fait  de leur  perception catastrophiste du risque atomique, en tant  que  risque  systémique,  entravent et limitent l’utilisation massive  du combustible  nucléaire. Celui-ci nécessite un financement  à forte intensité  capitalistique, des  technologies hautement sophistiquées ainsi que  des normes  de  sécurité, drastiques et draconiennes, que l’Agence  Internationale  de  l’Energie  Atomique  (AIEA)  aurait du mal  à   surveiller et à faire respecter partout dans  le  monde, nonobstant le principe universel  de transfert de technologies nucléaires à des fins pacifiques,  dans  le  cadre  de la production d’électricité. C’est  dans  ce  contexte qu’il faut  analyser la  stratégie  des multinationales  dans  le  domaine  de  l’offshore  pétrolier mondial et  dans la conduite  des  programmes  pétroliers et gaziers  exécutés en général en Afrique, et en particulier au Sénégal. Le financement  desdits projet est  déjà mobilisé  par  les  opérateurs pétroliers   et les contrats d’ingénierie  pétrolière sont  en cours  d’exécution.  Nous  pouvons  en citer quelques-uns : 

  • Les  investissements  actuels de 4, 8 milliards de Dollars de la phase 1 du projet sénégalo-mauritanien de Grand  Tortue Ahmeyim ( GTA), vont  donner  lieu à  une  production annuelle  de  2, 5 millions de tonnes de  gaz  naturel liquéfié (GNL) dont la  phase  de commercialisation est projetée en 2023 ;
  • En avril 2021, le taux de  réalisation du complexe  gazier d’après  le  communiqué  officiel des  parties  était  de  58%.  La  projection en décembre 2021 de  réalisation de travaux  de la  phase 1 est fixée à  80% ; 
  • Les  phases  2  et 3 permettront  d’atteindre  le  cap d’une production annuelle de  10 millions  de tonnes  de  GNL ;

       – Les  investissements de cette  phase 1, concernent 4 des 12 puits d’extraction de gaz installés à   2700 m sous le niveau de la mer. Ils  se rapportent aux contrats d’ingénierie, d’approvisionnement, de construction et d’installation (EPCI-Engineering, Procurement, Construction and Installation) et concernent  notamment les  installations  suivantes :

  • 21 caissons maritimes  géants d’une  longueur  de  1200 mètres,  sous  forme d’un brise-lames en haute mer devant protéger l’usine de liquéfaction, des phénomènes  de  houles pour  une  commande  de 350 millions  US$ au consortium Eifage – Saipen ;
  • une ingénierie sous-marine d’extraction de gaz  pour  un contrat  d’équipement  passé  au consortium McDermott – Baker Hughes (filiale de Général Electric) pour 750 millions de dollars ;
  • une unité flottante de production, stockage et déchargement de  pétrole brut (navire FPSO:Floating Production Storage Offloading Unit)  pour un contrat d’environ 1 milliard de dollars passé avec TechnipFMC ;
  • une usine flottante de liquéfaction du gaz (une plateforme maritime de gaz naturel désignée « navire FLNG : Floating Liquefied Natural Gas Unit, FLNG » d’un coût de 1,3 milliard de dollars, exploitée dans  le  cadre d’un contrat de  location de  20 ans auprès de Golar LNG,  opérant  à travers sa filiale à 100%, GIMI Corporation.

Les aléas  des programmes  de  production pétrolier, ne donnent  cependant  pas  une  parfaite  certitude  du respect  des délais d’ingénierie car les  retards  de  livraison et de  démarrage  de production ont  souvent jalonné  l’histoire  des grands projets  industriels  au plan international. La saga[6]  du réacteur  nucléaire à eau pressurisée  de  troisième  génération,  l’EPR  de  Flamanville  en France, ( Réacteur Européen, en Eau Pressurisée) en est une  bonne  illustration.

Ainsi pour  le  Sénégal, un ajustement  technique  des  plannings  de production usine et des essais  des  mises  en eau profonde de  l’infrastructure  sous-marine,  ne  serait donc  pas  un fait  inhabituel dans  les processus  industriels  de  pointe.         

– Quant à l’ingénierie  contractuelle  et opérationnelle  du développement du champ de Sangomar (ex champ de Yaakaar-Téranga), à 100 kms, au large de Dakar, elle  est en plein déploiement depuis  juin 2021 dans  le  cadre  du programme  de développement de forage de 23 puits et d’une mise en production commerciale, programmée en 2023.    

En conclusion, les plannings  contractuels et  opératoires des projets  lancés  sont  sous le  contrôle vigilant  à la  fois des  autorités  publiques  et compagnies pétrolières nationales ainsi que  des  compagnies  pétrolières multinationales. Les  différentes étapes  des  processus industriels et logistiques  ne  manqueront certainement  pas d’être  auditées  par  les  parties prenantes.

Ces  projets  lancés  ne  sont  donc pas  affectés  par  les  mesures  publiques   prises  par  certaines  puissances  européennes et leur institutions  communautaire, de supprimer  le  soutien public  au financement  de  projets industriels à combustibles fossiles.

Si les  projets  pétroliers  et  gaziers  du Sénégal sont  en bonne voie, en revanche, la situation économique de la  centrale  électrique au charbon de Sendou de 125 MW, est  plus  délicate. Elle est la propriété  de  la  société  Nykomb Synergetics Development AB (Suède), dirigée  par  l’homme d’affaire Norland SUZOR. Cette  centrale  inaugurée  tout juste en 2019, après  plusieurs  péripéties liées  aux  critiques  environnementales de collectifs citoyens, est placée en redressement  judiciaire. Pourtant son modèle de financement  du capital d’un montant de 196 millions  d’Euros avait  été  bien réussi avec  le  tour  de  table  suivant :

–   Banque  Africaine  de  Développement (BAD), arrangeur (« Mandated lead Arranger ») : prêt de 55 millions d’Euros, approuvé  en 2010, pour  une  maturité de 14 ans ;

– autres Co-financiers  : BOAD ( Banque  Ouest Africaine  de  Developement), CBAO (Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale), FMO (La Société financière de développement néerlandaise) et ICF (Investment Climate  Facility  ou Le  Fonds  pour Climat d’Investissement en Afrique).

Il est cependant  heureux  de  voir  de  meilleures  perspectives  se  dessiner  car il a été annoncé par le Ministre  du pétrole, sa  conversion au gaz naturel. Cette éclaircie, est la preuve   de  la capacité  d’adaptation des  processus  industriels privés aux exigences économiques  et  environnementale du Sénégal. Cette  unité vient  donc utilement  renforcer  le  parc   des  producteurs  privés  d’électricité ( IPP : Independant  Power  Producers)  opérant  dans  le  cadre  de  la  formule  «  Build, Own, Operate » (BOO), composés  principalement des sociétés  suivantes :  

– IPP de  la  firme  britannique  Lekela Power  exploitant le  parc éolien (180 m de  hauteur) des éoliennes de Taïba Ndiaye d’une  capacité de 158,7 MW assurée par 46 turbines ;

– les  autres IPP libanais (Matelec), américain (ContourGlobal)

La  preuve  par  les  faits  est donc  établie. Elle ne  fait  que  conforter et accompagner le déploiement  du Plan Sénégal Emergent  dont  la  composante  énergétique  est  l’épine  dorsale. 

2. Quid  des  découvertes  à venir ?

La  suppression du financement  par  la Banque européenne d’investissement (BEI) 2022 du  financement  de nouveaux projets liés aux énergies fossiles dont le gaz, de même que  les  décisions françaises  et anglaises de  subvention de la  prospection offshore,  peut  avoir  une  incidence  sur  la  facilité traditionnelle des sociétés  junior pétrolières  européennes de mobilisation des  capitaux  publics. Ceci peut  être  une  contrainte  passagère ou une variable  d’ajustement  financier provisoire. Cependant il faut toujours avoir présent à l’esprit  que  les  banques  privées  ainsi que les  apports  des  actionnaires  des  juniors comme  des  multinationales constituent  la base du financement  des  opérations  pétrolières offshore. Les  compagnies  américaines de  même  que  les multinationales ont  des budgets d’investissements  offshore qu’elle financent sans  difficultés  particulière  d’accès  aux liquidités  des marchés  financiers  internationaux   représentés  par les  grandes  banques  internationales dont Goldman Sachs est un  leader mondial de la banque d’investissement .

Le Sénégal est à  présent  reconnu sur  la  carte  mondiale  des  activités offshore et  suscite  un certain intérêt d’autant  que  Petrosen E&P(Exploration & Productuion) dispose  d’une  importante banque  des données géophysiques[7]   constituées  à  partir  des campagnes de sismique marine, pendant près  de  40 ans. C’est  ainsi que  l’appel d’offre  international

(licensing  round) de cette compagnie pétrolière  locale,  lancé en Novembre  2019   mais  infructueux  du fait  de  la  baisse  des  cours  à 25 US$  a été réactualisé en Avril 2021,  pour  12  nouveaux blocs offshore. Cet appel d’offre  est  toujours  ouvert en raison de  la  situation économique  liée à la  pandémie Covid 19. Néanmoins  la  reprise  des  cours  pétroliers  permet  d’espérer une  reprise  de l’exploitation des portefeuilles  d’exploration offshore  par  les  compagnies pétrolières  internationales. La  question  est  moins un problème  de  mobilisation de  trésorerie qu’une affaire  d’analyse  de la  tendance à moyen terme, de rentabilité  des  opérations  offshore. Ces  dernières, en  raison du  boom de l’exploitation des gaz et  pétrole  de  schiste  issue  du processus  de  fracturation des  roches- mères avaient été  quelque  peu pénalisées par  une pression baissière  de cours  pétroliers du fait  de  la  relative  abondance de  l’offre globale de  combustibles fossiles, les Etats  Unis, étant  redevenu un exportateur de  produits  pétroliers non conventionnels.              

3. Quelles  sont  les  sources  de  financement alternatives ?

Nous  avons  ci-dessous écarté  le  risque  de tarissement  des  sources  de  financement  des  projets  de  combustibles  fossiles car  outre  le système  privé de  financement  de projet  de combustibles fossiles dont de  grandes découvertes de pétrole  et  gaz  offshore et onshore se  font en Afrique, il est  à souligner  la  participation dynamique  du système public  financier international comme  la  Banque  Africaine  de  Développement, la  Banque  Mondiale  via  la Société  Financière  Internationale dans  le  financement  d’infrastructures notamment  énergétiques. 

Si par  extraordinaire, pour  toute  raison particulière, les  contrats de recherches  et de partage de  production avec  les  pétroliers  traditionnels  connaissaient des  difficultés d’attractivité en raison de  contraintes d’orientations stratégiques liées à  la  nature  fossile de  leurs combustibles, les  Etats  africains  pourraient  néanmoins maintenir le cap du  développement  de leur  secteur  pétrolier  et gazier  en faisant leur  propre  montage  de  financement  à travers leurs  compagnies nationales pétrolières qui pourraient solliciter  d’une part de grands cabinets  privés mondiaux d’ingénierie financière, collaborant avec  les  grandes  banques  internationales d’affaires et en commettant d’autre part de grands opérateurs techniques pour l’ingénierie industrielle et  la gestion de production. Ce serait des  formes  aménagées  de  PPP (Partenariats Publics  Privés) assurant un partage plus  équilibré des  risques financiers et  juridiques.              

Il s’agit  pour  l’instant  d’une  simple hypothèse  de  prospective car les  green projects liés  au développement  d’une énergie renouvelable  (éolien, solaire, hydroélectricité), qui sont des  constituants  intéressants  de  la  stratégie  de  mix  énergétique, ne  remettent pas pour autant  en cause,  la  supériorité  concurrentielle du pétrole  et  du gaz comme  source  énergétique  pilotables. Ces green project  sont promus  par des  mécanismes financiers  spéciaux faiblement  utilisés par  de nombreux  pays  africains  au titre  de  la  finance  verte.

Leur  financement  en Afrique  esttoujours  assuré  par  les  mécanismes  financiers  traditionnels.

Il fautcependant reconnaitre  l’important effort  de  diversification énergétique au Sénégal d’un mixte  énergétique. La  part  de l’énergie  renouvelable  au niveau industriel est évaluée à   30 % de la capacité  de  production de  SENELEC. Nous  pouvons  citer aussi  le  rôle  accru de  la BAD  assurant  la  gestion du Fond  de  Gestion de  l’énergie  durable  en Afrique (SEFA),  créé en 2011  et supporté par les  contributions des gouvernement du Danemark, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Italie, de la Norvège, de l’Espagne, de la Suède, du Nordic Development Fund, et de l’Allemagne. Ce fond propose des alternatives aux combustibles fossiles.

4. La  transition énergétique  semble  être  plus  une  priorité  des  pays  riches  et  principaux  pollueurs alors  que  l’Afrique  est plus  préoccupée par  la  question de  l’accès  à l’électricité. Comment  concilier  ces  deux  approches ?

Le  nœud gordien réside précisément dans la mise  en œuvre  d’une  stratégie  équilibrée de  mixte  énergétique  entre énergies  renouvelables  et   combustibles  fossiles. La  transition énergétique est  bien une  stratégie  mondiale  qui constate  trois choses :

  • les sources  fossiles  de  combustibles  sont  en déclin d’abord  parce qu’on a  atteint  un pic  de  production qui crée  une inadéquation stratégique  entre  le  développement  exponentiel de la  demande de  l’offre et  le développement arithmétique  de  l’offre  de production. On découvre  moins  vite  et  plus  difficilement  de  nouveaux  gisements  pétroliers de classe  mondiale. Le monde  occidental vit depuis  des  décennies sur un crédit énergétique de  moins  en moins tenable. L’éminent spécialiste français  des questions  énergétiques, le  Pr Jean Marc Jancovici  parle  de  décrue  subie.  Il considère  qu’au vu de  l’indispensable et immanquable   sortie prochaine de  la  civilisation du pétrole, les pays  occidentaux  doivent se préparer à une  lourde cure de leur  addiction au pétrole, à un pétrole  peu cher et  se  préparer  à une  diminution annuelle  d’au moins  4% de  leur  consommation annuelle  de  pétrole en raison de la  réduction des capacités  actuelles  de  production.           
  • L’énergie  renouvelable n’a pas encore le potentiel quantitatif  de  remplacement  de  l’énergie fossile qui technologiquement  a supplanté  depuis  des siècles, les moulins  à vents, la marine  à voile, énergie connue  depuis des millénaires ;
  • Le  réchauffement  climatique lié  à l’accumulation des  dioxine  de  carbone et  méthane dans l’atmosphère  crée  un risque  systémique  d’effondrement  massif  des espèces et de   la  vie sur  terre.

Il faut  donc  mieux répartir  les  charges  des sacrifices à partager. La  transition énergétique  implique pour  l’occident une  montée  en puissance graduelle de  nouvelles  sources énergétiques  qui vont  remplacer  à terme  le  pétrole  dans  une  transition d’une  trentaine  à cinquantaine d’années. Cela  donne un temps de développement et d’exploitation optimale des ressources  pétrolières et  gazières  du continent. Dans  le  même  temps  des  investissements massifs  dans     solaire et l’éolien doivent être développés  à la  faveur  de  la  rente  pétrolière qui  au-delà de  son usage  pour  le  développement des  infrastructures, du pouvoir  d’achat et du niveau de  vie  des  Sénégal, va  probablement accompagner  le  développement  audacieux  de  nouvelles  stratégies énergétiques. Le développement  de  l’atome  au Sénégal aurait-il une  chance ? Un pari hautement  ambitieux  mais  problématique, assurément !    Une  question à se  poser en conclusion, servira-t-il encore  à  quelque chose  d’avoir  en abondance  du pétrole  lorsque  plus  personne  n’en voudrait ? Entre-temps  le  gaz  est  bien une  énergie  transition.                                    

5. Le  gaz  peut-il  être considéré comme  une  énergie  de  transition comme  le  réclame  le  Président  Macky SALL ?    

Le  gaz est certes  un combustible  fossile et il participe activement  aux  émissions de CO2, nul ne  le  discute.  Cependant entre  avoir  des  centrales  électriques  fonctionnant  au fioul ou au charbon et  avoir  des centrales  fonctionnant  au GNL  ( gaz  naturel liquéfié) , le  choix  industriel est  vite opéré. C’est  du reste  ce  qui explique  que  la  nouvelle  centrale  de  charbon de Sendou, sera prochainement  reconvertie  au GNL. Notons qu’une  centrale à gaz émet entre 350 et 400 grammes de CO2 par kWh, là où les centrales à charbon les plus modernes en émettent environs 800. C’est au regard  de  cette  analyse  du bilan carbone,  et de la prochaine disponibilité d’une  nouvelle  source  énergétique de proximité, qu’ il faut se préparer  à de lourds investissements de  modernisation des  centrales  thermiques  de  SENELEC de  sorte  à les  doter en  équipements fonctionnant  à la  fois  au fuel et  au  gaz naturel. Ceci bien sûr ne  peut pas  se  faire  du jour  au lendemain et  une  transition est  inévitable. On note toutefois que  la  part  du fioul dans les centrales  thermiques  de SENELEC est  passée de 83 % en 2017 à 67%  en 2020.[8]  

On a  cette même approche pragmatique dans  les  stratégies internationales de transition énergétique.  On s’interroge  de  façon concrète : quelle  est  la  source  fossile ayant la plus  grande  efficacité  énergétique  et  le  plus faible  taux d’émission de  carbone.  On  procède ensuite  par  élimination, d’abord le  charbon ensuite  le  fioul. Ceci est cependant une analyse  théorique  qui n’intègre  pas  le  degré  de  dotation en ressources naturelles  car  on voit  bien que  le  charbon est  fortement  utilisé  aux  Etats  Unis, en Allemagne, en Chine, en Afrique du Sud, pour  ne  citer  que  ces  pays. Au plan mondial, la  reconversion des  usines  au  gaz  attenue   la  problématique  des  taux  d’émission de carbone  par  rapport au fioul traditionnel et  cela  ouvre une  perspective  stratégique  pour des  pays  riches  en ressources  gazières. D’ailleurs  c’est  dans  ce  contexte  qu’il faut  comprendre  la  vive  compétition entre  le  pétrole et gaz de schiste  américain et le  gaz   russe européen dont  le  point  de  crispation s’établit  sur  l’installation du gazoduc  Nord Stream  2, indispensable  à la  stratégie  de  transition énergétique  de  l’Allemagne.  Ce gazoduc  russe  met  en branle  des  conflits  géopolitique et économique  dont  les principaux acteurs sont  la  Russie, l’Allemagne, les  Etats Unis, l’Ukraine. Long  de  1230  km , d’une  capacité  annuelle de  55 milliards  de  m3 et  passant  sous  la  mer  Baltique, ce  gazoduc  va doubler  les  capacités  d’exportation de  la  Russie  vers  l’Allemagne  en contournant  l’Ukraine. Ce  projet  de  10 milliards  d’Euro a été  financé de  façon paritaire par le russe  Gasprom   et un consortium de  pétroliers  européens (OMV, Engie, Wintershall Dea, Uniper et Shell).  C’est un exemple  intéressant de  partenariat  industriel et financier  global  pouvant  être  étudié  comme  case  study par  les milieux  énergétiques africains. En conséquence, l’appel du Président  Macky SALL  pour  faire  du gaz  une  source  énergétique  de  transition est  intéressant  en ce  qu’il donne  un avantage compétitif  au Sénégal dans  le  cadre  de  ses  nouvelles  découvertes  gazières mais  également il permet  d’engager  une  décrue progressive de la part  du pétrole  dans  le panier  des combustibles  fossiles  des  centrales électriques, tout  en permettant une réduction des  CO2. A  ce  titre,  il faudrait  également   des  négociations pour faire  bénéficier  à l’activité  gazière,  des  lignes  de  financement  de  la  Green Finance quand  bien qu’il s’agirait  d’un combustible  fossile. On serait  dans une  stratégie  de  « verdisation » du gaz  dont le  Sénégal a tout à gagner  à l’instar  du Brésil qui par  son immense production d’éthanol  peut  en faire  une  stratégie  gagnante de transition énergétique. On parle d’agro-carburant. Certains économistes le  contestent car il est au  détriment de l’agriculture vivrière. Le  débat  reste  ouvert…..

Ce qui est sûr, c’est  qu’une  fenêtre d’opportunité  stratégique  et historique est ouverte pour le  le gaz  qui est un compromis  acceptable et il a  une  bonne  image. Au Sénégal d’en profiter !

Dr  Pape  Mamadou TOURE   – Ph.D.  Régulations  Internationales  Pétrole & Gaz- Expert  maritime  diplômé  et  agréé- Expert diplômé en Management &   Commerce international – Expert  diplômé Administration publique, parcours  diplomatie  et  relations  internationales- Analyste Stratégique  International diplômé en Géopolitique  &  Prospective  – Expert diplômé en Assurances – Juriste  droit  des  affaires 

SUIVEZ-NOUS SUR:
L’origine et la fo
Mauritanie-Sénégal

contact@senpetrogaz.sn

La rédaction de senpetrogaz est spécialisée dans le secteur des hydrocarbures

Évaluez cet article:
1 COMMENT
  • Dr Djimé DIAGANA - Nouakchott - MAURITANIE / novembre 25, 2021

    Enfin un site web spécialisé dans le domaines de l’Energie !
    Toutes mes félicitations aux initiateurs et concepteurs de maquette du Site. Un contenu riche et très instructif. Une excellente présentation qui facilite la lecture des articles publiés !!!
    Toutes mes félicitations à mon frère Dr Pape Mamadou TOURÉ.
    Bon vent !!!!

LAISSEZ UN COMMENTAIRE