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Friday, Apr 19, 2024
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Comprendre le monde de l’offshore et des contrats pétroliers, un dossier de Dr. Pape Mamadou TOURE, Docteur en régulation internationale pétrole et gaz

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I. Le contexte global

L’exploitation offshore est l’aboutissement de tout un processus opérationnel, combiné à une interprétation scientifique de données sismiques de géologie et de géophysique complétées par des analyses quantitatives de confirmation des données de forages de prospections antérieures. Ces processus d’évaluation du potentiel d’un gisement sont très complexes et sont confiés à des experts chevronnés de l’évaluation des réserves pétrolières et gazières. On parle de réserves prouvées (P90), probables (P 0), possibles (P10) en fonction du pourcentage de succès.

Cette même expertise est également requise du côté de l’Etat à travers ses structures spécialisées, plus particulièrement par le recours à la société pétrolière nationale PETROSEN mais également par le recours à des juristes et des experts pétroliers spécialisés en commerce international et en droit pétrolier international, à des experts fiscaux spécialistes de la fiscalité pétrolière, des économistes industriels, des spécialistes des techniques de financement internationale, des experts des études de conjoncture et de prospective. Ce processus débouche sur les contrats pétroliers de recherche et de partage de production (CRPP) au Sénégal.

Nous faisons le choix de faire un focus sur cette technique contractuelle mais il faut cependant savoir, qu’il existe d’autres modalités de contractualisation dont le contenu est plus ou moins différent et qui peut revêtir des appellations diverses dans le cadre du recours à :

  • l’accord d’exploration (de prospection) et de production (E & P),
  • au contrat d’exploration et d’exploitation,
  • à la concession,
  • à l’accord de licence,
  • à l’accord de partage du pétrole (APP),
  • au contrat de partage de production (CPP),
  • au contrat d’amodiation de pétrole et de gaz (oil and gas lease) ».

Ces différents vocables se ramènent à quatre types de régimes contractuels :

  • la concession ;
  • l’amodiation de pétrole et de gaz, fondée sur la propriété de la production à l’opérateur offshore, moyennant le paiement d’impôts ;
  • le partage de production fondé sur les gains de l’exploitation commune ;
  • un régime mixte des deux systèmes, impôts – bénéfices, appliqué par le Sénégal.

Il est également important d’avoir présent à l’esprit que des articulations existent entre le contrat pétrolier et d’autres normes juridiques car les contrats s’inscrivent toujours dans un écosystème juridique pyramidal faisant référence à la Constitution, aux Lois, à la Règlementation, avant d’aboutir à la Convention particulière. Cela signifie qu’il ne suffira pas simplement de lire un contrat pétrolier particulier pour avoir une compréhension exhaustive de l’économie dudit contrat dont certaines de ses clauses feront appel à un certain nombre de références légales comme :

  • le Code des impôts,
  • le Code pétrolier,
  • le Code de l’Environnement,
  • et parfois à des standards plus généraux tels que « les meilleures pratiques de l’industrie pétrolière internationale » notamment dans les domaines de la sureté et de la sécurité, des nature et forme de programme d’assurance et de garanties financières internationales. Il existe enfin plusieurs techniques d’attribution de blocs pétroliers étant toutes admissibles :
  • le système d’appel d’offre international, entrainant une mise en concurrence des sociétés opératrices offshore à partir d’un cahier des charges élaboré par la société pétrolière nationale, en l’occurrence PETROSEN ;
  • le recours à la négociation ad hoc (cas par cas) pour négocier tel ou tel avantage fiscal;
  • l’option du « premier arrivé, premier servi». C’est le prix de la course dans le contexte de l’évaluation d’une candidature spontanée. La société pétrolière ayant les qualifications et expériences habituelles requises, faisant une proposition à l’Etat et s’étant mis en conformité juridique avec la règlementation nationale, après des négociations sur le contrat, obtient l’attribution d’un bloc pétrolier de prospection.
  • Examinons maintenant les mécanismes contractuels des contrats de recherche et de partage de production.

II. Les contrats CRPP

Les premiers contrats de partage de production ont vu le jour en Indonésie1 et sont aujourd’hui appliqués par un grand nombre de pays tels que l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Chine, le Yémen, l’Angola, la Guinée équatoriale, le Nigeria, la Tanzanie, le Gabon, l’Azerbaïdjan, Trinité-et-Tobago, le Pérou, le Guatemala, Cuba, le Brésil et à présent le Sénégal.

D’après Jesús Mora Contreras citant Fabrikant Rober, la raison historique de la création du contrat de partage de production résiderait dans le fait que « les contrats de partage de production représentent un effort important pour compenser le fameux déséquilibre entre les pays producteurs de pétrole et les compagnies pétrolières étrangères ».

Mora Conteras rapporte également une proposition de la Banque Mondiale aux pays producteurs de pétrole à propos de la mise en place « de système fiscaux souples (avec des taux d’imposition sur les bénéfices progressifs ou avec un partage de la production), stables, (sans réformes ultérieures des taux d’imposition ni création de nouveaux impôts) et neutres (suppression des redevances, des primes et des limites au recouvrement des coûts pour partager les revenus avec les compagnies étrangères).

Inversement, il attenue son propos, en rapportant une autre recommandation contraire de la Banque Mondiale où il est plutôt question de mettre en place un système de redevance qui permettrait de générer, « un flux minimum de revenus garantis». A travers ces recommandations, on entre de plein pieds dans l’analyse des mécanismes des CRPP.

i. : les retours d’expérience sur les types de couts opératoires acceptables

La confiance n’exclut jamais le contrôle et les Autorités Publiques ont intérêt à contrôler ab initio le programme d’investissement durant la phase d’exploration mais également durant la phase de développement quand bien même qu’elles auraient accepté le plan de développement qui leur aurait été présenté.

En effet, diverses expériences ont révélé quelques craintes des Etats à voir leur participation diminuer significativement si les coûts engagés n’ont pas été proportionnels à la réalité du potentiel du gisement offshore.

Autrement dit, si l’opérateur offshore a surinvesti dans son programme de développement, il va se retrouver confronté à un problème de rentabilité globale du gisement lorsque son potentiel est trop faible.

Du reste, dans les périodes de déclin des gisements, on en arrive à avoir des frais d’exploitation supérieurs aux marges bénéficiaires. Citons quelques expériences sur les questions de déductibilité des coûts opératoires apparemment non proportionnels aux bénéfices prévisionnels.

Nous citons le rapport de 2018 de l’ONG OXFAM2 qui est une étude portant sur le Pérou, le Ghana et le Kenya. Cette ONG considère que « le gonflement des dépenses des compagnies représente une grande menace pour les recettes publiques découlant du pétrole et du gaz », car plus les charges déclarées seraient importantes moins les bénéfices le seraient.

Le risque semble être important dans le cadre ” des « transfert price » , lorsqu’une société donnée, filiale d’une multinationale se trouve être le fournisseur d’une autre filiale et qu’une consolidation des comptes des filiales, interviendrait au niveau groupe. Ledit risque le serait également lorsque la multinationale a le contrôle d’un fournisseur pour ses différentes filiales.

Enfin on peut avoir à contrôler la réalité de la facturation d’équipement lorsque le « procurement », la division Achat du Groupe s’occupe de l’achat mondial des biens et services, à refacturer aux filiales. Ledit rapport d’OXFAM a mis en relief dans son introduction, des cas de surfacturations certes limitées, des compagnies pétrolières et gazières, intervenues au Congo et en Ouganda. Elles avaient surestimé leurs coûts opératoires pour un montant de 127 millions de dollars en République du Congo, et 81 millions de dollars en Ouganda, ce qui avait provoqué de pertes de recettes de 63,5 millions de dollars au Congo et 24 millions de dollars en Ouganda.

Le rapport mentionne également qu’en 2016, « le Directeur de la Cour des comptes de l’Ouganda a refusé la déductibilité de 80,5 millions de dollars de coûts pétroliers pour l’ensemble des accords pétroliers (AP), pour la période courant de 2004 à 2011 ».

Ledit rapport mentionne également qu’en 2016, la Cour des comptes en Indonésie a découvert que les sociétés pétrolières avaient gonflé de 300 millions de dollars leur coûts opératoires. Ce rapport déplore qu’au Pérou, Ghana et Kenya, ces pays pourraient utiliser leur droit de contrôle des coûts, de manière plus efficace. Il considère que dans ces deux derniers pays, il n’est pas mis en œuvre l’option qui leur est offerte par leurs contrats pétroliers signés, d’externaliser partiellement l’inspection des comptes, en ayant recours aux frais de la compagnie pétrolière, à des cabinets d’audit externes, pour contrôler en première ligne, les comptes et éviter que celui-ci ne soit tardif.

ii : la méthode de la certification préalable des coûts opératoires

Diverses possibilités de contrôle des coûts, s’offrent aux Etats :

  • une mission d’assistance des grands cabinets internationaux avant l’adoption par l’administration des projets de développement offshore ;
  • une mise en œuvre par la Banque Mondiale ou le soutien de grandes institutions de « l’initiative New Petroleum Producers Discussion Group », visant à soutenir un réseau de collaboration regroupant 30 pays producteurs de pétrole pour le lancement d’une plateforme de partage de données anonymes sur les coûts opératoires ;
  • les conseils de ces grands cabinets pour la mise en place d’un cadre de référence à propos de la structure des coûts: Wood Mackenzie, Boston Consulting Group, ect ;
  • le développement de logiciels spécialisés reliés à des bases de données internationales en collaboration avec la Banque Mondiale, le FMI ;
  • l’exploitation du manuel de procédures d’audit développé par le FMI : « Administering Fiscal Regimes for Extractive Industries : À Handbook » (Administration des régimes fiscaux des industries extractives : le guide) ;
  • la mise en œuvre des bonnes pratiques d’audit international des coûts pétroliers notamment l’application des normes internationales d’audit (ISA: « International Standards on Auditing » ) ;
  • l’assistance de la Banque Africaine de Développement dans le cadre de sa Facilité Africaine de Soutien Juridique aux Etats ;
  • la compilation et l’exploitation des différents rapports de benchmark sur des structures de coût d’exploration, en ayant recours aux mécanismes de la coopération internationale.

Nous terminons sur cette question de l’efficacité du contrôle des coûts en faisant la recommandation d’associer également la question du contrôle de la production offshore par des experts pétroliers assermentés car il existe au Sénégal un ordre national des experts sénégalais ( ONES) avec différentes sections maritimes, commerciales, fiscales, industries pouvant également certifier les productions. En effet, il existe une asymétrie de l’information opérationnelle. L’Etat se doit de pouvoir contrôler le quota de ses productions au titre du « Oil Sharing » ou du « Profit Oil », ce qui pourrait lui permettre de lancer une activité de trading.

III : l’opportunité du développement des transactions pétrolières et gazières

Cette question est invoquée par l’article 28 de l’Accord de Coopération Sénégalo Mauritanien de 2018. Il est à noter, à ce titre, l’accord intervenu le 11février 2020 entre les Etats et BP pour un achat direct de la production de GTA (« sale and purchase agreement-SPA ») sous réserve de l’approvisionnement du marché local sénégalais qui sera effectué par PETROSEN d’autant qu’avec la réorganisation de sa structure, PETROSEN dispose d’une entité de distribution et de service dans l’aval. Il peut être aussi valorisé une partie reliquataire du quota de production de l’Etat qui définirait alors une clef de répartition entre une gestion spéculative de trading par PETROSEN et une perception de revenus de rente auprès des opérateurs que sont BP ou Woodside, par l’achat partiel de sa production.

Il peut également être donné un mandat de trading sur les marchés internationaux aux opérateurs étrangers exploitant le pétrole offshore sénégalais.

Bref, la stratégie de développement du trading pétrolier par PETROSEN peut être mise en œuvre par diverses techniques :

  • l’enlèvement de sa quote – part directe lui revenant pour l’affecter entièrement ou partiellement à son entité trading qui garderait le risque commercial de ces opérations spéculatives sur le marché international ;
  • le développement d’accords régionaux d’approvisionnement avant que la structure PETROSEN on shore trading, ne se lance dans le trading mondial au regard de la faiblesse des volumes locaux que cette société aurait à gérer et à cause de son inexpérience dans un domaine hautement spéculatif à risques financiers élevés que maitrisent surtout les « Hedge Funds » .

La perspective à court et moyen terme est exaltante mais il faut cependant que PETROSEN aval, développe une expertise opérationnelle nationale en tant que fonds d’investissement et acquiert plus d’expérience dans les activités de placements spéculatifs qui mettent en œuvre des modèles mathématiques assez sophistiqués.

Il faut d’ailleurs relever un risque d’empiétement de compétences entre PETROSEN aval et le FONSIS, cette dernière structure ayant en principe la mission de faire tout placement stratégique pour la valorisation financière des revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles.

Nous concluons notre analyse globale en rapportant l’exigence de transparence et de sincérité des comptes opérationnels des opérateurs offshore qui ont la responsabilité de mettre en évidence toutes les contraintes opérationnelles liées à l’exploration offshore afin de justifier d’une part les coûts d’investissement déductibles des modalités du partage de production, et d’autre part les quotas de volumes de pétrole et de gaz, alloués à l’Etat du Sénégal.

Le rôle des certificateurs de production que sont les experts pétroliers nationaux assermentés sera crucial pour la bonne foi de l’exécution des contrats pétroliers. La confiance entre partenaires d’affaire est d’usage dans les pratiques commerciales internationales et elle se consolide par la qualité des bonnes pratiques observées par les experts pétroliers nationaux.

L’histoire du pétrole sénégalais s’écrira au fil de l’eau.

Dakar le 23/08/2022

  • Dr Pape.M. TOURE
  • simex01@yahoo.fr
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